Plaisirs solitaires : par où commencer
L’effervescence du féminisme actuel entraîne dans son sillon le renversement de sujets longtemps réservés aux hommes. Parmi eux, les mystères et bienfaits des plaisirs solitaires. Si aujourd’hui l’approche de la masturbation change doucement, le fait de se toucher reste encore associé aux stéréotypes de la pornographie. Cet acte est aussi nimbé de tabou et de honte, en particulier pour les femmes dont la sexualité est encore tristement réduite à la procréation.
Tout d’abord, une définition simple : la masturbation consiste à provoquer (sur soi-même ou sur un.e partenaire) le plaisir sexuel par des contacts manuels. L’aborder de manière positive et déculpabilisée est un horizon clair mais vertigineux : encore faut-il savoir par où commencer. Une multitude de questions se posent alors : quels sont les bénéfices de cette pratique ? Est ce qu’on est obligé.e.s de jouir ? En quoi les gestes, la respiration, le temps, ou la routine peuvent avoir un impact sur nos ressentis ? Est-il nécessaire ou pertinent d’associer le plaisir en solo à un genre ? Et puis, qu’est-ce qu’on touche au juste, et avec quels mouvements ?
Auto-érotisme et connaissance de soi
Indépendamment des sensations qu’elle procure, la masturbation recèle de vertus qui sont loin de ne relever que du physique. Quand on se touche, on fait appel à de nombreux leviers psychiques qui traversent nos sexualités. Pour commencer, la masturbation permet de (re)définir son érotisme. Très concrètement : en sachant ce qui nous excite à l’instant T (pensées, visions, voix, caresses, fétiches etc), on ajoute une dimension à la connaissance de soi. Ces éléments - amenés à changer au cours d’une vie - dessinent les contours mouvants de nos sexualités.
Cultiver son auto-érotisme, c’est aussi comprendre son appétit sexuel et apprivoiser ses organes : comment marche sa vulve ou sa verge, où se cache le précieux clitoris et quelles sont ses réactions indépendamment d’un.e partenaire ? En s’octroyant du plaisir, on dédie un instant à l’introspection, au regard porté à soi : un moment d’autant plus précieux qu’il permet, avec ou sans jouissance, de se libérer du stress de la vie quotidienne.
Créer son cocon, trouver son rythme.
Pour approcher ce moment au contact de soi, il est nécessaire de créer son propre espace d’aisance. Il n’y a pas de lieu ou de moment idéal : sous la couette en cachette avant de dormir, au réveil dans la douche, sur le canapé avant la sieste … Tous les contextes sont valables à condition que vous les ayez choisis. N’hésitez pas à ajouter de la magie à ce moment en allumant des bougies parfumées ou en mettant de la musique. Avant d’en arriver à la stimulation des organes sexuels à proprement parler, ne lésinez pas sur la préparation du corps. On peut par exemple se sentir à la fois excité.e et rassuré.e en utilisant de l’huile de massage pour caresser TOUT votre corps (ventre, cuisses, plancher pelvien, fesses, bouche, épaules, seins, visage, nuque etc).
Maintenant, appelons un chat un chat. Vous pouvez jouer délicatement vos gestes en essayant d’alterner le va-et-vient, les petits cercles, l’insertion de doigts, le tapotement. Il y a aussi le rythme dont les transitions peuvent vous amener encore plus loin : lentement, rapidement, en faisant des pauses, en s’accordant du silence, ou en vous essayant à l’edging. Les frottements à des objets comme un sextoy en silicone ou un pommeau de douche - pour n’en citer que quelques-uns - en complément des mains/doigts aide certain.e.s à atteindre l’orgasme. Attention cependant, car l’idée d’atteindre à tout prix l’orgasme rapidement est le meilleur moyen de se mettre la pression.
Du plaisir avant toute chose
Quand on trouve une technique qui fonctionne bien, on peut avoir tendance à la répliquer à chaque fois que l’on se caresse. L’effet recherché est certes, vite atteint. Le problème avec une routine qui marche à tous les coups, c’est que quand on ne la suit pas, on peut rencontrer des difficultés à jouir ou simplement à ressentir du plaisir. Pour éviter cet effet, rien de tel que de changer sa routine. Pourquoi ne pas s’appuyer sur le plaisir des yeux pour susciter une émotion qui nourrit l’appétit sexuel ? On pense tout de suite aux bons vieux films pornographiques. Un classique souvent fait d’orgasmes multiples et simulés avec lequel on peut aussi prendre ses distances en s’ouvrant à d’autres ressources tout aussi riches : par exemple, des livres ou bandes dessinées érotiques, des audioporns, ou des œuvres d’art érotique (vous pourrez trouver quelques inspirations dans notre rubrique plaisir des yeux).
Les petits conseils techniques
On ne le répètera jamais assez : se sentir pressé.e ou avoir peur d’être surpris.e réunit les conditions idéales à la disparition de toute lubrification naturelle (cyprine ou sperme). Alors : prenez le temps ! Par ailleurs, la peau de la vulve (mais aussi du gland et de l’anus) est une muqueuse sensible et fragile qui nécessite de la douceur. Vous avez peut-être déjà ressenti des effets désagréables quand vos yeux ou votre bouche étaient secs ? Pour les endroits du corps qui nous intéressent ici, c’est pareil : l’hydratation et l’utilisation de lubrifiant sont la clé d’une masturbation agréable, sans frictions ou petites douleurs parasites.
Enfin, se toucher provoque des effets physiques qui peuvent surprendre les premières fois (gonflement des lèvres et du clitoris, rigidité du pénis, montée en chaleur, accélération du rythme cardiaque, contraction du périnée, parfois de légers tremblements etc). Afin de les vivre au mieux, un conseil simple : respirez. Vous pourriez être surpris.e par la puissance d’un orgasme vécu en essayant de souffler au lieu de se contracter. Enfin, n’oubliez jamais de bien vous laver les mains avant et après vous être touché.e.s, ainsi que tout objet (sextoy ou autre) utilisé en interne ou en externe.
Note : Les plaisirs solitaires font partie d’un univers intime et inépuisable dont nous n’avons ni le monopole ni la vérité absolue. Ainsi, chacun.e est libre de ses propres manières de se stimuler, quel que soit son corps, son parcours de vie et le genre auquel il/elle s’identifie. N’étant pas des professionnel.le.s de la santé, nous préférons poser des questions concrètes et y répondre de façon déculpabilisée en s’appuyant sur nos expériences.